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Les Vieux Trucs

11 juin 2013 2 11 /06 /juin /2013 10:41

Il y a 6 mois, j’ai déménagé à la « campagne ».

Je mets des guillemets, parce qu’il ne faudrait pas non plus vous faire un tableau erroné, du genre la petite maison dans la prairie, maison de rondins au bout d’un chemin de terre perdu au milieu de nulle part. Les images bucoliques c’est bien joli, mais très peu pour moi merci bien ! Moi, la petite maison dans la prairie, il faut qu’elle ait un accès rapide à toutes sortes de magasins.

En réalité, je suis dans une ville résidentielle, avec beaucoup de verdure, et où je dois prendre la voiture pour chacun de mes déplacements.

La plupart de mes voisins sont de fringants retraités, ce qui dans un sens m’a paru plutôt rassurant de prime abord : ils sont là toute la journée et surveillent donc le quartier. Oh, bien sûr, cela entraîne quelques inconvénients. Du genre on a pris l’habitude pendant 40 ans de passer la tondeuse le samedi matin, c’est pas maintenant qu’on va changer ! Ouais, personnellement je préfèrerais qu’ils le fassent en semaine quand je ne suis pas là. Mais l’habitude chez le vieux, c’est important, c’est ancré solidement en lui, impossible à défaire.

Bon.

Il se trouve que toute cette verdure m’a flanqué une allergie carabinée aux pollens, une grande première pour la fille des villes que je suis. Laquelle allergie s’est ensuite surinfectée. Ce qui fait qu’un matin je me suis levée toute malade, fiévreuse et tutti quanti.

Le toubib est venu, m’a prescrit plein de joyeusetés et s’en reparti vers des cieux plus riants. Me laissant avec une ordonnance à la main.

Comme des décennies d’expérience m’ont appris que des médicaments sont toujours beaucoup plus efficaces quand ils sont consommés que quand on se contente de regarder leur nom écrit sur une feuille de papier, il a bien fallu me résoudre à me traîner à la pharmacie.

C’est là que j’ai pris la pleine mesure de ce que c’est de vivre dans une ville majoritairement peuplée de plus de 65 ans…

J’imagine que mes précédentes visites en centre-ville en fin de journée auraient dû me mettre la puce à l’oreille : 2 audio-prothésistes, au moins 5 opticiens, des kinés, des toubibs, des trottoirs bas…

Mais je suis tellement dans la lune que rien de tout cela ne m’a interpellée.

Me voilà donc, à 9h du matin, dans ma Charliemobile, direction la pharmacie.

A quelques centaines de mètres de chez moi, premier rond-point. Cette ville a des ronds-points partout, avec mes gosses on la surnomme « rond-point city », en nous demandant pourquoi il y en a tant. En fait, je pense que le temps d’attente est trop long aux feux, et que les vieux risquent de s’endormir.

A ce rond-point, gros embouteillage (enfin, embouteillage à la mode province, hein, à savoir une dizaine de voitures !), car une mamie qui semble avoir bien connu  Jules César a décidé de traverser. Le temps qu’elle y arrive, les araignées ont eu tout loisir de tisser une toile entre la portière et mon bras, j’ai écouté la totalité du nouvel album de Daft Punk (sauf la dernière, je n’aime pas la dernière), un camions de pizzas s’est installé et a vendu tout son stock, un convoi d’escargots est passé en rigolant, et mes cheveux ont poussé de 3 centimètres.

Le tout dans un concert de klaxons, j’ai beau être la seule non retraitée de la file, tous les autres klaxonnent. De toute évidence, même s’il a tout son temps, le vieux est pressé, et impatient, et ne tolère pas le moindre retard, y compris s’il est dû à une de ses congénères.

Deux rond-points plus tard (et fort heureusement aux passages piétons vides, bénies soient les petites béatitudes),  j’arrive en centre-ville.

A ma grande stupéfaction, toutes les places sont prises. Mais heureusement, j’aperçois une clio dont les feux de marche arrière sont mis, ce qui semble augurer qu’une place va se libérer rapidement.

Je vous laisse trouver tous seuls qui se trouve au volant…

Il s’agit d’une place en épi, avec une bonne visibilité, il y a juste faire une marche arrière presque droite et insérer le véhicule dans la rue. Le genre de manœuvre qu’on peut faire sans réfléchir, les yeux clos. Mais non, Papy 1er recule, avance, recule, avance, recule avance, manque de défoncer le rétro de la voiture voisine, recule, avance, recule, avance, s’arrête juste à temps pour ne pas foncer dans un autre vioque qui passe (à 2,5 km/h), recule, avance… le tout à grand renfort de hurlements de boîte de vitesses que l’on malmène.

Pendant que mes tympans se déchirent, j’ai tout loisir d’observer les piétons qui piétonnent. Des vieux, des vieux, des vieux ! Et devinez où ils vont tous ? Vers quelle porte leurs pas les portent inexorablement ? La PHARMACIE ! Diantre !

Lorsqu’enfin je peux garer ma voiture  (le plus discrètement possible, pour ne pas énerver les passants avec mes capacités de conductrice encore intactes), je sais que je vais passer un bon moment à attendre mes médocs.

J’entre.

7 personnes devant moi, à des degrés plus ou moins avancés de dégénérescence. Toutes persuadées que de se coller les unes aux autres dans la queue fera avancer le schmilblick plus rapidement. Ou bien cherchant à se réchauffer, le vieux ayant toujours froid (bien que le chauffage marche à fond dans l’officine, et qu’on doive bien avoisiner les 40°).

Je tente pour ma part de respecter un écart d’un mètre avec l’ancêtre qui me précède, mais la pression discrète mais continue des vieux entrés après moi m’en rapproche peu à peu.

Sans être médecin, je devine vite que ce brave monsieur a de gros soucis de mouvements intestinaux intempestifs aussi bruyants qu’odorants. Il serait bon pour la survie de toutes les personnes présentes qu’il passe très vite, et ressorte très vite.

Mais non. Entre celle qui se fait réexpliquer 3 fois son ordonnance, celle qui montre à la pharmacienne les photos de la communion de son petit-fils, celui qui demande à téléphoner à son médecin pour vérifier que oui, le générique que veut lui refiler la pharmacienne est tout aussi efficace que le médicament marqué sur l’ordonnance, les allées et venues des gros bras qui viennent chercher les palettes de boîtes de cachetons à livrer chez les vieux (vous avez remarqué qu’en dessous de 5 kilos de médicaments dans le sac les vieux ont l’impression de s’être faits flouer et soupçonnent qu’on les soigne mal ? Je me demande même s’ils ne font pas des concours, à celui qui aura la prescription la plus longue, le gagnant remporte une boîte de Stéradent et le best of d’Yvette Horner), j’ai l’impression  d’avoir passé la moitié de ma vie dans les fumets toxiques du pétomane quand enfin mon tour arrive.

Mon petit sac en main, je sors, un peu étourdie, et je m’adosse à un mur pour reprendre mes esprits.

Les vieux qui passent me lancent des regards mauvais, dans lesquels je lis toute leur réprobation d’être là en pleine semaine, à ne rien faire, au lieu de trimer pour payer leurs retraites. L’air est lourd de haine, les lèvres se retroussent peu à peu sur des rictus aigres, l’hostilité est palpable. Je sens qu’il y a comme des envies de lynchage et je m’éclipse, le cœur battant.

Le message est clair : au moins jusqu’à 17h, la ville leur appartient, et je ne suis pas la bienvenue.

Et vous non plus…

 

 

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commentaires

C
<br /> Hé, hé... Ton tour viendra!<br />
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