Un ami à moi est bien tristounet ces jours-ci, car il doit se rendre dimanche midi chez belle-maman pour fêter l’anniversaire d’une belle-sœur. Ce qui le gave au plus haut point, le pauvre.
Comme de toute évidence, il ne peut pas y couper, je lui propose ce petit guide, pour l’aider à surmonter ces mauvais moments au mieux.
1)Avant le départ :
- Reculer le plus possible le moment du départ, en toute subtilité. Il ne faut pas que ce soit trop visible, pour que personne ne se doute de rien.
- Débrancher subrepticement le réveil la veille. Avec un peu de chance, tout le monde se lèvera en retard, et les manœuvres de diversion se verront moins dans la panique générale.
- Cacher les clés de voiture, pour qu’une fouille générale fasse perdre quelques minutes. Les clés seront retrouvées au choix dans le manteau de madame, dans le placard de la cuisine, dans le frigo… S’arranger pour que le blâme de la perte retombe sur le conjoint. Si on est un peu farceur, on peut même se fendre d’un « mais ma parole, on croirait que tu l’as fait exprès pour ne pas aller chez ta mère ! »
- Une fois toute la famille bien installée dans la voiture, prétexter un brusque dérangement intestinal (pas d’argument possible contre ça) pour filer un bon ¼ d’heure aux toilettes, et lire tranquillement le journal. En ayant bien évidemment interdit de faire tourner le moteur, question de respect de la planète. La famille frigorifiée devrait observer un silence hypothermique pendant une partie de la route.
2) A l’arrivée :
- Tousser avec ostentation dans ses mains plusieurs fois avant chaque embrassade ou poignée de main. En ces temps de grippe A, c’est jubilatoire de voir les regards à la fois dégoûtés et méfiants. Ca ne mange pas de pain.
- offrir à chacun une petite remarque sympathique qui assurera une paix royale pendant tout le repas, tout le monde faisant la gueule. Par exemple « dis donc Robert, tu as encore perdu des cheveux, non ? » ou encore « Jeannine, si tu n’étais pas ménopausée, on jurerait que tu es enceinte tellement tu as grossi ». Ne pas oublier de ponctuer chaque fois de « nan, je rigole », cela dédouane, mais l’effet des paroles reste le même…
- s’arranger pour qu’un des gosses présents écrase les fleurs de la belle-doche, se fasse engueuler, et que ça parte plus ou moins en live entre la grand-mère et sa fille à propos de l’éducation et du droit que l’on a de gifler les marmots.
- se servir tranquillement un apéro et s’enfoncer dans le canapé en laissant les autres s’agiter pour servir l’apéro et dresser le couvert.
3) Le repas :
Renifler chaque nouvel aliment d’un air circonspect, voire se permettre une légère moue dégoûtée.
- A l’entrée, lancer « c’est moi ou elles sentent le poisson les betteraves ? »
- Au plat, regarder le contenu de sa fourchette levée très haut et dire pensivement « il n’y a pas à dire, ma femme sait cuisiner, je m’en rends compte ». Cette dernière pique, qui allie savamment le compliment et l’insulte fait que l’épouse en question ne peut que se mettre du côté de son mari, et loyalement déclarer à sa mère qu’en effet, elle l’a connue plus inspirée.
- Au fromage, regretter amèrement l’absence de Saint-Nectaire sur le plateau de fromages, surtout si celui-ci en contient 10 autres sortes.
- Au dessert, s’arranger pour faire tomber le gâteau en faisant un croche-pieds à celle qui l’amène ou en lançant un gosse dessus. L’anniversaire est à demi gâché, et ça réduit le repas d’au moins une demi-heure.
4) Les conversations :
- S’arranger pour que les vieux dossiers soient réouverts et que les rancoeurs ancestrales fassent surface au plus vite. Ca ne change pas grand-chose à la durée de la visite, mais ça fait un bien fou de voir les belles-sœurs à la limite de s’étriper.
- Interdire aux gosses de quitter la table avant la fin du repas, leur confisquer les consoles de jeux et les Ipods. Comme ça, ils vont bien gonfler tout le monde avec leurs jérémiades. Et il n’y a pas de raison qu’ils fassent quelque chose de sympa pendant que les adultes s’ennuient. Et puis merde, ça leur fera payer toutes les fois où ils ont fait chier le monde avec leurs maladies, leurs poussées dentaires et leurs gastros. La vengeance est un plat qui se mange froid.
- Titiller les ados en leur posant des questions sur leur vie amoureuse, leurs résultats scolaires, avec un air faussement candide d’oncle bienveillant et intéressé. Enerver ses propres ados en racontant des anecdotes humiliantes en parlant très fort.
Nul doute que tout le monde sera bien énervé et n’aura qu’une hâte : finir le repas.
- Prétendre que la sauce aux morilles avait un goût bizarre et qu’on ne sent pas bien. Attention ! A manier avec beaucoup de précautions ! Dans certaines familles, on se retrouve avec des remèdes bizarres et dégueulasses à ingurgiter, qui risquent de rendre vraiment malade.
5) Après le repas :
- Se cogner contre son beau-frère détesté au moment de la distribution des cadeaux, en criant « mais fais attention, bon sang ! » pour que le beau vase en cristal finisse en miettes, et que tout le monde blâme le maladroit.
- Refuser d’avaler la moindre goutte de café en arguant que la dernière fois, bonjour les brûlures d’estomac pendant 2 jours…
- Accuser Jeannot de tricher à la belote
- Refuser tout ce qui ressemble de près ou de loin à une promenade digestive
- A partir de 15h, commencer à dire qu’il va falloir y aller, qu’il y a de la route, qu’il va y avoir des encombrements, que c’est chiant de rouler de nuit… toutes les excuses sont les bienvenues
Avec un peu de chance, la prochaine fois, on y coupera !
Dédicacé au Colonel.